Pourquoi votre tendinite ne guérit pas ?
Que ce soit au genou, au coude ou à l’épaule, vous avez tout essayé : repos, glace, médicaments. Pourtant, dès que vous reprenez le sport, la douleur revient. On vous a parlé de tendinite ? En réalité, ce n’est souvent pas une inflammation simple, mais un tendon qui peine à se réparer, soit une tendinopathie. Et ça change tout.
Je vous explique pourquoi… et surtout ce que vous pouvez faire.
Quand l’épaule ne se contente plus d’une simple « tendinite », bienvenue dans l’univers complexe de la tendinopathie.
Tendinite, vraiment ? Et si c’était un problème de mécanique ?
Pendant longtemps, on a cru que les douleurs aux tendons venaient d’une inflammation. Résultat ? Repos, glace, anti-inflammatoires en mode pilule miracle. Sauf que… ça ne marche pas toujours. Aujourd’hui, la science a changé de disque. Ce qu’on appelle encore trop souvent “tendinite”, c’est en réalité — dans la majorité des cas — une tendinopathie. Traduction simple : le tendon dysfonctionne mécaniquement.
Ce n’est ni une infection ni une blessure brutale. C’est plutôt un tissu qui a perdu sa capacité à encaisser la tension. Il devient épais, désorganisé, parfois fragile… mais surprise : il n’est pas forcement enflammé. Et pour le prouver, quand on cherche dans le sang les traces classiques d’inflammation (comme la CRP), il n’y a souvent rien à signaler. Bref, le problème, ce n’est pas de calmer une inflammation inexistante, mais de réapprendre au tendon à faire son job.
Reposer, glacer, étirer… pourquoi ça ne suffit plus
Face à une douleur tendineuse, on sort souvent le trio classique : repos, glace, étirements. Et parfois, on ajoute une touche d’ultrasons ou une cure d’anti-inflammatoires, au cas où. Sur le moment, ça peut faire du bien car on agit sur les symptômes. Mais le vrai souci, c’est qu’on ne traite pas la cause.
Prenons-les un par un :
Le repos : il diminue la douleur, certes. Mais le tendon a besoin d’être progressivement réentraîné. Sans stimulation mécanique, les fibres tendineuses se désorganisent davantage, la vascularisation diminue, et le tendon devient encore moins tolérant à la charge de travail.
La glace : elle peut avoir un effet antalgique local (baisser la perception de la douleur), mais elle ne modifie en rien la structure du tendon. C’est du confort, pas du traitement.
Les étirements : ils sont souvent utilisés par réflexe, mais sur un tendon douloureux, ils peuvent aggraver la contrainte mécanique au lieu de l’aider. Et surtout, ils ne renforcent pas le tissu.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que le tendon est une structure qui s’adapte à la contrainte. Et quand il est en souffrance, il faut lui réapprendre à encaisser, en dosant intelligemment la charge et non pas en le mettant au repos prolongé.
Les recommandations les plus récentes (notamment celles issues de la recherche en physiothérapie et médecine du sport) insistent sur l’importance d’un travail progressif en charge — c’est-à-dire un renforcement adapté, calibré, contrôlé.
Oui, la glace peut aider… à condition de ne pas en faire toute la stratégie.
La théorie du donut 🥯 (oui, sérieusement)
La chercheuse australienne Jill Cook, experte mondiale des pathologies tendineuses, a proposé une image aussi simple que brillante pour comprendre comment mieux traiter une tendinopathie. Imaginez votre tendon comme un donut :
Le trou au milieu, c’est la zone abîmée : désorganisée, parfois irréversible. On ne peut pas vraiment la réparer.
En revanche, tout autour, la partie “pâte” du donut est encore bien vivante. Ce sont les fibres saines, celles qui peuvent s’adapter et se renforcer.
L’objectif, ce n’est pas de soigner le trou, mais de renforcer ce qu’il y a autour. Ou, comme le dit Jill Cook : “Treat the donut, not the hole.” En clair : inutile de s’acharner à “réparer” ce qui ne peut plus l’être. Ce qu’il faut, c’est stimuler ce qui fonctionne encore, de manière progressive et intelligente.
Cela passe par des exercices bien dosés, qui mettent votre tendon sous contrainte, sans pour autant réveiller brutalement la douleur. On parle alors de chargement progressif. C’est ce processus qui permet de reprogrammer le tendon, d’améliorer la qualité des fibres restantes et de le rendre capable, à nouveau, de supporter les contraintes de votre quotidien… ou de votre activité physique.
PEACE & LOVE : le protocole moderne pour soigner votre tendon
Aujourd’hui, l’un des modèles les plus complets et efficaces pour accompagner une tendinopathie s’appelle PEACE & LOVE. Ce protocole, utilisé par de nombreux experts en rééducation (comme ceux de la Clinique du Coureur), propose une prise en charge en deux phases : la première pour calmer, la seconde pour reconstruire.
PEACE : ce qu’il faut faire en phase aiguë
Quand la douleur est encore vive, l’objectif est de protéger sans immobiliser complètement. PEACE, c’est :
P – Protection : Évitez les gestes qui aggravent les douleurs (mouvements brusques, charges excessives).
E – Élévation : Surélevez le membre douloureux pour aider le retour veineux, surtout en cas de gonflement (d’autant plus durant le sommeil).
A – Activité cardio modérée : Bouger sans douleur (marche, vélo doux) stimule la circulation et limite la perte musculaire.
C – Charge optimale (Optimal Loading) : Reprendre progressivement des mouvements simples et bien tolérés, pour maintenir la fonction.
E – Éducation : Comprendre ce que vous faites et pourquoi vous le faites. C’est la base pour rester autonome et éviter les erreurs.
LOVE : la phase de reconstruction
Une fois l’irritation calmée, place au renforcement. LOVE vous guide dans la reprise active :
L – Loading : Du renforcement progressif, ciblé, bien calibré. Pas besoin de lever lourd, mais il faut stimuler.
O – Optimisme : Ce n’est pas du placebo. Les patients confiants récupèrent mieux et plus vite.
V – Vascularisation : Faire circuler le sang, c’est nourrir le tendon. Misez sur des activités régulières, même douces.
E – Exercice : La clé, c’est la régularité. Mieux vaut un peu chaque jour qu’une grosse séance hebdomadaire.
Pour éviter les rechutes, il est essentiel d’écouter votre tendon… sans tomber dans l’évitement. Voici les 4 règles simples à respecter :
La douleur pendant l’exercice doit rester inférieure ou égale à 3 sur 10.
Elle doit disparaître dès que vous arrêtez l’effort.
Le lendemain, la douleur doit rester inférieure ou égale à 2 sur 10.
Il ne doit pas y avoir de gonflement après l’activité.
Ce protocole vous aide à sortir de la logique du “tout ou rien”. L’idée n’est pas d’attendre que la douleur disparaisse pour bouger, mais plutôt d’apprendre à avancer avec elle, à la doser, à l’apprivoiser.
PEACE & LOVE : pas un mantra hippie, mais une vraie stratégie pour vos tendons.
Conclusion : ce n’est pas votre tendon qui est fichu, c’est votre stratégie qu’il faut revoir
Pendant longtemps, on a utilisé le mot “tendinite” comme une explication. En réalité, ce que vous ressentez aujourd’hui ne vient probablement pas d’un tendon enflammé, mais d’un tendon désadapté. Et ce n’est ni le repos, ni la glace, ni les médicaments qui vont suffire à le remettre d’aplomb.
Ce qu’il vous faut, c’est :
Comprendre votre douleur et ce qu’elle vous signale,
Apprendre à la doser sans la fuir,
Renforcer votre tendon, progressivement, avec ou sans l’aide d’un professionnel.
La bonne nouvelle, c’est que la guérison est possible. Mais elle demande une chose : agir, pas attendre.